Le respect de soi n’est pas de la fuite

Le respect de soi n’est pas de la fuite

La ligne entre l’évitement et le respect de soi-même est mince. Vous êtes nombreuses à croire que si vous coupez complètement les ponts avec une personne toxique, c’est que cette dernière a gagné sur vous. Vous avez la certitude que si vous refusez de la voir, si vous la bloquez dans vos correspondances et sur vos réseaux sociaux, vous la fuyez. Et, bien sûr, la fuite est associée à la lâcheté, une étiquette que personne ne souhaite porter. C’est pourquoi vous hésitez à prendre la décision d’éviter les contacts avec le MPN (manipulateur pervers narcissique), car cela représente de la faiblesse à vos yeux. Vous vous dites : « Il a gagné sur moi ! Je ne peux fréquenter les endroits qui me plaisent pour ne pas le rencontrer. Je me prive de belles activités pour ne pas le croiser... » Pourtant, votre croyance n’est pas le reflet de votre réalité.

Revenir à la réalité

Tout repose sur votre interprétation et votre intention profonde. La dépendance à la manipulation peut se comparer à l’alcoolisme. La journée où vous déciderez que vous en avez assez de boire, où vous vous rendrez compte que votre mauvaise habitude nuit à votre santé, que ferez-vous ? Vous prendrez la décision d’arrêter de consommer de l’alcool. Pour y parvenir, vous éliminerez les bouteilles dans la maison, vous installerez une distance entre vous et vos amis de consommation et éviterez les partys pendant un moment. Le temps de vous sevrer. Eh bien, il en va de même pour le processus de désintoxication d’une relation malsaine, souvent entretenue avec un MPN.

Si vous tentez de devenir abstinent, mais que vous continuez de prendre un ou deux verres par jour, jamais vous n’atteindrez votre objectif. Il en va de même pour sortir d’une relation qui vous détruit : vous devez couper les liens complètement. Si vous passez votre temps à texter l’autre, à le suivre sur les réseaux sociaux, à l’appeler… vous ne parviendrez pas à vous soigner. La réalité, c’est que vous souhaitez guérir de cette personne, vous désirez reprendre le contrôle de votre vie pour ressentir à nouveau, ou encore pour éprouver une première fois, le respect de vous-même, n’est-ce pas ? Comment croire que si vous grattez une plaie quotidiennement, elle guérira ? C’est impossible.

Choisir pour une fois

Soyez assurée d’une chose : lorsque vous décidez de couper tous les liens, vous n’êtes pas dans la fuite, vous êtes dans la reprise du contrôle de votre vie. Vous assumez votre décision de guérir du manipulateur et vous vous donnez les moyens qu’il faut pour atteindre votre objectif. L’objectif du manipulateur, c’est de vous embêter en suscitant des malaises, comme il le fait depuis des années. Ainsi, en continuant de le fréquenter ou en vous obstinant à participer aux mêmes activités que lui, vous continuez à jouer à son jeu. Une fois de plus, il vous manipule.  

Il ne faut pas oublier le mode de fonctionnement du MPN : il veut vous contrôler et s’imposer dans votre univers. Votre univers au complet. Si vous n’êtes plus autour de lui, il perd sur toute la ligne. Il n’a plus d’emprise sur vous, il reste seul… assurément à la recherche d’une autre victime ou d’un moyen différent de vous atteindre.

De plus, en choisissant de le retirer de votre vie, vos moments de solitude vous permettront de respirer, de pleurer, de vous remettre de ses assauts psychologiques et, surtout, de penser à vous.  

Lui répondre, c’est ouvrir la porte de votre maison

Chaque fois que vous répondez à un texto du MPN, que vous tentez de savoir ce qu’il fait et avec qui, que vous laissez vos amis ou des connaissances vous parler de lui, vous retombez dans le jeu de la victime qui souffre. Bien sûr qu’il n’est pas simple de se sevrer de la manipulation, car le vide que l’autre laisse est immense. Comme l’ex s’était emparé de votre vie, vous ne savez plus de quel côté partir. Le seul moyen de retomber sur vos pieds et de reprendre le contrôle de votre vie, c’est de vous respecter. Si vous laissez l’autre encore et toujours décider, c’est comme si vous laissiez entrouverte la porte de votre maison. Lorsqu’il vous envoie un message, tente un appel, vous salue sur les réseaux sociaux, c’est comme s’il frappait à votre porte. Chacune de vos réactions représente l’ouverture de la porte de votre maison. Que lui reste-t-il à faire ? Rentrer. Et après vous êtes étonnée qu’il soit encore dans votre vie. Même lorsque vous lui répondez pour la énième fois que vous deux, c’est fini, vous continuez d’entretenir la flamme, de garder espoir et de lui donner des munitions.

Avez-vous conscience que vous le laissez gérer en ne vous choisissant pas ? Voyez-vous qu’en n’imposant pas vos limites, vous ne vous respectez pas, donc comment voulez-vous qu’on vous respecte ? Ce que vous croyez être de la fuite se nomme en vérité le respect de soi… l’amour de soi par la reprise du pouvoir sur votre vie, par les limites que vous installez autour de vous pour vous protéger, comme une mère protège son enfant. Vous ne laisseriez pas votre enfant entre les mains d’un agresseur ? Alors pourquoi vous imposer à vous-même de côtoyer votre ex qui vous a détruite, qui vous fait du mal ? Plus rapidement vous éloignerez cet être toxique, plus vous remonterez la pente et serez de nouveau vous-même. Cessez de gratter votre plaie, laissez-la guérir ! 

Soyez sans crainte, lorsque vous serez complètement rétablie, vous pourrez le croiser dans la rue, et cela n’aura aucun impact sur vous, ni positif ni négatif. Là, vous aurez gagné, car la pire chose que puisse vivre un manipulateur, c’est bien l’indifférence.

Il m’a fallu du temps pour comprendre que chaque fois que je répondais à mon ex, je retombais dans la souffrance, la colère et l’attente. Il contrôlait tellement tout, qu’il savait combien de semaines il me fallait pour lui pardonner ses frasques et tomber dans une nostalgie douloureuse. Angoissée mais toujours heureuse de constater qu’il ne m’avait pas oubliée, je me laissais réconforter par ses courriels. Si, au début, je ne faisais que les lire, quelques jours plus tard, après des heures et des heures à ne penser qu’à cela, je lui répondais. Souvent dans la colère ou par l’expression de mon ennui ou encore à travers des souvenirs très heureux de nos débuts. 

Évidemment, quelques jours plus tard, il trouvait une excuse pour me rencontrer. Un fil d’ordinateur oublié, un bon repas au restaurant, un verre chez lui… et j’y allais en courant. Je n’étais pas consciente que j’alimentais mon malheur et qu’il gardait ainsi le contrôle de ma vie, mais cette fois, à distance. Cela lui permettait d’en manipuler deux à la fois, une à l’extérieur (moi) et une autre chez lui (sa nouvelle). Lorsqu’une amie m’a interpellée avec fermeté en soulevant mon problème, j’ai refusé d’y croire. Pourtant, après des mois de tentative de sevrage, j’ai compris que si je ne le bloquais pas partout, je n’y parviendrais jamais. Je l’ai bloqué sur tout ce qui lui permettait de m’atteindre : cellulaire, courriel, réseaux sociaux. Ainsi, je ne voyais plus qu’il tentait de me joindre. Le temps a fait son œuvre, mais je me suis aidée. Quelques années plus tard, je l’ai croisé lors d’une activité professionnelle et l’ai salué poliment; mon indifférence envers lui m’a fait sourire et son visage rouge de gêne m’a réjouie.

2 commentaires

  1. Hélène Fortier le 15 décembre 2019 à 11:36 am

    Bonjour,
    Une amie m’a envoyé votre texte. J’ai tellement pleuré. Instinctivement, lorsqu’il a rompu, je suis partie sur le champ, à mon retour chez moi, j’ai déchiré les quelques photos que j’avais de nous, j’ai packté tout ce qui lui appartenait, j’ai mis sa clef dans une enveloppe et lui ai posté le tout. J’ai enlevé son numéro de téléphone de mon cellulaire, au cas où par mégarde je l’appellerais, j’ai mis à la corbeille tous ses courriels et je l’ai enlevé sur ma tablette pour les FaceTime.
    À 9 1/2 mois plus tard, je ne comprends toujours pas pourquoi il a rompu et j’attends encore des explications, des excuses qui ne viendront probablement pas et de toute façon, qu’est-ce que ça m’apporterait, je ne sais pas, mais j’ai encore de la peine.
    Merci pour ce texte et bonne continuité.

    • Marthe Saint-Laurent le 16 décembre 2019 à 10:53 am

      Un immense merci, Hélène, pour votre précieux commentaire. Il est grandement apprécié. J’admire votre force et votre détermination. Vous avez été bien guidée en vous respectant de la sorte. Vous avez entièrement raison, vous n’aurez aucune explication et, de toute façon, si vous en aviez, elle serait préfabriquée. Possiblement mensongère ou peut-être pas! Ceci dit, la meilleure compréhension qui existe est la vôtre à partir de votre expérience passée et de votre réalité actuelle. Merci d’avoir pris le temps de m’écrire, j’apprécie grandement. La douleur restera encore un moment, le temps que vous soyez construite de nouveau. Marthe

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