Je souffre, il me détruit… mais je l’aime !
Nombreuses êtes-vous à comprendre que depuis plus de 10, 20, 30 ans vous tentez de survivre au cœur d’une relation toxique, prises dans le piège de la manipulation. Vous ne voyez pourtant aucune porte de sortie, car vous l’aimez, ce destructeur d’âme ! « Je sais qu’il me manipule depuis 30 ans, nous avons des enfants, et je ne partirai jamais, car je l’aime ! » Plusieurs commentaires de mes lectrices vont dans ce sens.
Une question importante se pose : pourquoi lisez-vous les témoignages et les chroniques sur la manipulation alors que vous avez décidé de rester dans votre « inconfort confortable » ? Il semble que votre inconscient soit à la recherche d’une porte de sortie bien malgré vous. Qu’aimez-vous dans le fait qu’on vous détruise, qu’on vous manipule, qu’on vous humilie, qu’on vous dévalorise ? Qu’est-ce qui est si agréable dans le dénigrement ? À part le fait que vous savez de quoi demain sera fait, votre désir d’être un jour vous-même et libre n’est pas plus pressant que de remettre votre vie entre les mains d’un MPN (manipulateur pervers narcissique) ?
Ce chaos que vous appelez « amour » ressemble à quoi, au juste ? Voici quelques informations utiles à votre réflexion… inconsciente. Vous croyez que vous aimez votre bourreau pour une ou plusieurs de ces raisons :
- Les débuts ont été merveilleux, paradisiaques même, fondés sur des mensonges.
- Vous avez fondé une famille avec cet homme toxique.
- Il vous gère et vous contrôle, ce qui vous rassure.
- Il vous a anéantie pour vous façonner selon sa bonne volonté.
- Vous croyez qu’il mourra si vous le quittez.
- Vous ne connaissez rien d’autre que cette relation misérable.
- Vous n’avez plus d’estime personnelle, si bien que vous croyez qu’il est le seul à pouvoir vous aimer (alors que ce n’est pas de l’amour mais du contrôle).
- Vous êtes complètement sous son emprise et avez fondé votre vie autour de lui.
- Vous n’avez plus de vie privée, plus d’amies, plus de famille à part vos enfants.
- Vous refusez de croire que vous pouvez avoir une vie passionnante sans lui.
À moins que vous souffriez du syndrome de Stockholm[1], de manière générale, vous ne pouvez aimer la personne qui vous maltraite. Même si vous souffrez de ce syndrome, il est question d’empathie et non pas d’amour. Ce qui vous fait croire qu’il s’agit d’amour n’est rien d’autre que de la codépendance ou la conviction que vous n’avez d’autre choix. Le manipulateur vit pour vous contrôler ; de votre côté, vous existez uniquement à travers son regard. La réalité est que vous n’avez plus de personnalité à part celle qu’il vous a forgée au fil des ans. Vous ne savez plus qui vous êtes, ce que vous valez, ce que vous souhaitez et, surtout, ce que vous aimez. N’allez pas croire qu’il s’agit d’amour : ce n’est que de la dépendance à une vie malsaine, construite sur du mensonge, des non-dits et de l’hypocrisie.
Il est important de comprendre que vous avez TOUJOURS le choix. Ces choix ne sont pas évidents ou faciles à faire, mais il existe une panoplie de possibilités (il en sera question dans une prochaine chronique) dans la mesure où vous décidez de vous choisir et d’emprunter le chemin de votre liberté. Au moment où vous décidez de rester, soyez honnête et admettez que vous préférez rester dans la codépendance, car c’est plus simple que de vous reconstruire complètement. Or, ne nommez pas cette aliénation « amour ». L’amour est beau, pur, sincère, constructif et réciproque. Il favorise l’évolution de l’individu dans le respect et le souci du bien-être de l’autre. Toutes les femmes qui se sont sorties d’une relation sous emprise admettent quelques années plus tard que ce n’était surtout pas de l’amour, mais simplement de l’aliénation. Il suffit de s’éloigner pour y voir plus clair.
Lorsque ma fille est arrivée à la maison en pleurant et en me criant : « Tu ne comprends, je l’aime ! », je n’ai pu que répliquer : « Tu crois l’aimer. Tu comprendras dans quelques mois. » Son MPN était retourné avec son ex, comme si ma fille n’avait été qu’une aventure, un jouet, une pause de sa routine sans joie. Après deux ans de chaos, de pleurs, de disputes, de mensonges dans l’attente quotidienne du don Juan, ma fille avait décidé d’être malheureuse seule plutôt qu’à deux, m’a-t-elle confié. Excellent choix à 25 ans.
Six mois après la rupture, elle m’a avoué que ce qu’elle aimait et qui lui manquait, c’était la vie qu’il lui avait offerte, les folies des débuts, les surprises, les excentricités de l’impulsion de la jeunesse. Elle comprend enfin que l’amour n’était pas pour l’homme, mais pour ce qu’il lui offrait, ce qu’il lui avait laissé entrevoir en début de relation, mais ses promesses sont rapidement disparues, comme neige au soleil. Ce qu’elle a cru être de l’amour n’était que l’illusion d’être en amour… avec l’amour.
[1] Le Larousse définit le syndrome de Stockholm comme « un lien d’empathie s’installant entre la victime d’une séquestration et son ravisseur ». Ce syndrome peut se manifester dans une grande variété de délits : les chantages de tous genres et les violences à l’encontre des femmes, entre autres.
Chroniqueuse télé et radio, Marthe Saint-Laurent développe et exprime en ondes, sa pensée sur la réalité féminine, entre autres. L’auteure est reconnue dans la francophonie canadienne et européenne ainsi qu’en Afrique pour dénoncer le harcèlement psychologique, sexuel, le bitchage et l’intimidation.
Parmi ses 22 ouvrages, dont son plus récent Là, ça déborde ! Comment gérer notre charge mentale au quotidien. Cet ouvrage regorge de réflexions, de témoignages et d’exercices pratiques qui mènent à des pistes de solution vers un changement sain et durable.
Marthe possède des certificats en français écrit et en rédaction française, en plus d’études en journalisme et en psychologie ainsi qu’une formation en coaching.